27 De nouveaux films : septembre 2020 A2S

Tiré de la publication de A2S septembre 2020 :  Paris Art, Société, Science : quoi de neuf à Paris ?

Magazine envoyé à 5 000 enseignants francophiles chaque mois, dans une centaine de pays,

fondé et dirigé par Rafael FONT VAILLANT, journaliste (CFJ), écrivain, artiste plasticien, photographe.

FILM. «Tout simplement noir»

Réalisation : Jean-Pascal Zadi et John Wax. Scénario : Jean-Pascal Zadi et Kamel Guemra. Directeur de la photo : Thomas Brémond. Montage : Samuel Danési. Musique : Christophe Chassol. Principaux acteurs : Jean-Pascal Zadi et Caroline Anglade, ainsi que plusieurs personnalités interprétant leur propre rôle, comme par exemple le comédien Omar Sy. Durée : 90 minutes.

Cette réjouissante comédie, plutôt bien rythmée, et au cours de laquelle le public rit souvent, traite pourtant de thèmes ô combien sérieux, comme par exemple celui de l’identité «double» du métis ou encore celui de la place, trop souvent encore bien problématique, des noirs dans la société française. < Le film est une critique du communautarisme par l’absurde, explique Jean- Pascal Zadi, coréalisateur, coscénariste et interprète principal. On essaie de montrer que parler de communautarisme n’a pas de sens. >

Quasiment tous les acteurs du film, dont Zadi, jouent leur propre rôle, mais c’est un leurre, car, en vérité, ce sont des personnages de fiction que tous interprètent, même s’ils portent le même nom. Véritable anti-héros, le personnage de Zadi dans le film est un obscur comédien noir de Paris. Et surtout un gaffeur né. Très maladroit, souvent ridicule et pas très malin. En outre, ce personnage est «mégalo et égocentrique», commente Zadi, tandis que John Wax, coréalisateur du film, parle de «loser». Cependant, par moments, le personnage est également touchant et attachant.

Parce qu’il est noir, on lui propose un rôle de violeur, trafiquant de drogue et islamiste !

Au début du film, cet anti-héros – qui, tout au long de la projection, est suivi comme son ombre par un cinéaste réalisant un documentaire sur lui et dont les images, style reportage, constituent en fait le film lui-même – décide, parce que révolté par le sort des noirs en France, d’organiser une «marche noire» à Paris, entre les places de la République et de la Nation, itinéraire traditionnel des défilés revendicatifs.

Pour promouvoir ce projet, il rend visite à diverses personnalités de la communauté noire de Paris. Il rencontre, par exemple, un groupe, fort remonté, de féministes noires qui l’oblige à ouvrir sa marche aux femmes, alors que lui pensait au départ la réserver aux seuls hommes noirs ! Entre autres rencontres de notre anti-héros, nous avons aussi beaucoup apprécié celle avec la «star» Omar Sy, rencontre à laquelle le Zadi du film met très vite un terme car il est manifestement jaloux, non seulement de la réussite de Sy, mais aussi de sa gentillesse et de sa générosité.

Parallèlement à ces rencontres, la caméra suit Zadi lors de «castings» de films. Lui est ainsi proposé un rôle de violeur, trafiquant de drogue et islamiste de banlieue, mais Zadi n’est pas jugé assez convaincant. Une autre fois, un cinéaste lui reproche d’être incapable d’exprimer «la souffrance de l’Afrique».

En définitive, et comme c’était prévisible étant donnée la façon si catastrophique dont notre anti-héros s’y prend avec les personnalités qu’il va voir, sa «marche noire» est un retentissant échec. Place de la République, ne viennent finalement pour cette marche que trois pelés et un tondu, pour citer une vieille expression française.

LA VEDETTE DU FILM : Jean-Pascal Zadi, né de parents ivoiriens en 1980 en banlieue parisienne, mais ayant grandi dans le département du Calvados, est un ancien élève du Cours Simon, école parisienne d’art dramatique. Il avait réalisé antérieurement plusieurs films : «Des halls aux bacs» (2005), «Cramé» (2008), «African Gangster» (2010) et «Sans pudeur ni morale» (2011). Zadi est également rappeur, romancier et chroniqueur de radio et de télévision.

POUR EN SAVOIR PLUS : https://www.unifrance.org/film/48998/tout-simplement-noir

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A2S, Paris / septembre 2020 / page 7

FILM. «Si c’était de l’amour»

Écriture et réalisation : Patric Chiha. Directeur de la photo : Jordane Chouzenoux. Montage : Anna Riche. Principaux acteurs : Philip Berlin, Marine Chesnais, Kerstin Daley-Baradel, Sylvain Decloitre, Sophie Demeyer, Vincent Dupuy, Massimo Fusco, Nuria Guiu Sagarra, Rehin Hollant, Antoine Horde, Georges Labbat, Oskar Landström, Theo Livesey, Louise Perming, Katia Petrowick, Richard Pierre, Anja Röttgerkamp, Jonathan Schatz, Gisèle Vienne, Henrietta Wallberg, Tyra Wigg. Durée : 1h22.

Bénéficiant d’un excellent travail de la directrice de la photo, ainsi que de la monteuse, ce beau film documentaire – souvent fascinant, et même envoutant par moments – met en scène la troupe cosmopolite des quinze jeunes interprètes de «Crowd», un spectacle de danse créé en 2017 à Strasbourg, siège de la compagnie de la chorégraphe du spectacle, Gisèle Vienne.

Avec son équipe, le réalisateur du film – Patric Chiha (qui, notons-le, a fait la connaissance de Gisèle Vienne quand ils avaient 16 ans, lycéens dans la même classe de première) – a suivi pendant plusieurs mois la tournée de «Crowd».
Du spectacle, le film montre seulement quelques scènes, mais surtout des répétitions, ainsi que la vie des danseurs en coulisse.

«Crowd» raconte la façon dont un groupe de jeunes vit une fête de musique techno en plein air – et d’ailleurs les interprètes du spectacle, vêtus comme de vrais participants à ce genre de fête, dansent sur un sol terreux, jonché de détritus festifs.
Gisèle Vienne explique que son spectacle traite du «rapport des émotions individuelles et collectives», ainsi que de l’intimité et de «ses rapports au groupe».

Pour sa part, Chiha dit s’être intéressé plus particulièrement au «jeu d’acteur», «sa fabrication et son mystère». Il dit aussi avoir voulu mettre en scène «cet état trouble, proche de la transe, entre réalité, songe et fantasme» que vivent les danseurs de fêtes «techno».

Danseurs comme robotisés par la musique

Le film parle aussi du désir amoureux. Hétérosexuel ou homosexuel. Et le spectacle met souvent en scène des corps qui se désirent.
Certaines scènes de «Crowd» sont pleines de sensualité et de tendresse, alors que d’autres scènes sont violentes, comme cette rixe entre deux garçons. Par moments, le rythme de la danse est trépidant, les danseurs comme robotisés par la musique, tandis que, à d’autres moments, la chorégraphe demande à ses interprètes de danser comme au ralenti. < Vous êtes trop rapides, leur lance-t-elle. Plus lent, plus lent ! > Une des réussites du film, c’est d’avoir su montrer l’extrême imbrication de la vie privée de ces quinze danseurs et des personnages de fiction qu’ils interprètent. Pour élaborer ces personnages, en effet, chacun des danseurs a dû imaginer un parcours de vie, en s’inspirant bien souvent de son propre parcours.

Le spectacle est «un mixage de narrations», précise Gisèle Vienne.
À un moment du film, une danseuse confie que, quelquefois, le personnage qu’elle interprète et ce qu’elle est réellement dans la vie, finissent par «se confondre».
Dès lors, il n’est pas surprenant que, parfois au cours du film, l’émotion soit si forte que des interprètes ne peuvent s’empêcher de pleurer.

LE RÉALISATEUR : Patric Chiha, né en 1975 à Vienne (Autriche), a étudié le stylisme de mode à Paris et le montage cinématographique à Bruxelles. Ses films ont été sélectionnés dans de nombreux festivals.
LA CHORÉGRAPHE : Gisèle Vienne, née en 1976 à Charleville-Mézières, dans le département des Ardennes, également plasticienne et metteuse en scène, a créé à ce jour une quinzaine de spectacles, le premier en l’an 2000. Après des études de philosophie, elle a étudié à l’École nationale supérieure des arts de la marionnette, école créée en 1987 à Charleville-Mézières.

POUR EN SAVOIR PLUS : https://www.unifrance.org/film/48993/si-c-etait-de-l-amour ________________________________________________________________________

A2S, Paris / septembre 2020 / page 8

FILM. «Été 85»

Réalisation et scénario : François Ozon. Directeur de la photo : Hichame Alaouié. Montage : Laure Gardette. Musique : Jean-Benoît Dunckel. Principaux acteurs : Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Philippine Velge, Valeria Bruni-Tedeschi, Melvil Poupaud, Isabelle Nanty et Laurent Fernandez. Durée : 1h40.

Souffrant de quelques longueurs et d’un manque de rythme, ainsi que d’images un peu ternes et de cadrages et mouvements de caméra parfois maladroits, ce film est une demi-réussite. C’est d’autant plus regrettable que, pour François Ozon, son réalisateur et scénariste, ce film est une plongée dans son propre passé – y compris, d’ailleurs, dans le choix du format d’image, le Super 16, qui était celui de ses premiers courts-métrages, à la fin des années 1980.

«Été 85», c’est la saison au cours de laquelle Ozon (qui avait alors 18 ans) a lu le roman – «Dance on my grave» d’Aidan Chambers («La Danse du coucou»), paru au début des années 1980 – à partir duquel il a élaboré son scénario. Ce livre, dont, dès 1985, Ozon avait écrit une première adaptation cinématographique, «a nourri mon imaginaire», confie-t-il. < Dans «Été 85», il y a à la fois la réalité du livre et mon souvenir de ce que j’ai ressenti en le lisant, l’émotion éprouvée à l’époque >, ajoute Ozon. Il précise qu’il a écrit et réalisé «Été 85» en pensant à l’adaptation qu’il aurait aimé voir en cette année 1985.

Au moyen d’un montage parallèle alternant des scènes au passé (une histoire d’amour homosexuel de six semaines qui finit mal) et des scènes au présent et même – à travers la voix hors champ d’un des amants – dans un futur indéfini, «Été 85», dont l’action se déroule en Normandie, au Tréport, raconte comment Alex, lycéen de 16 ans, devient homosexuel – ce qu’est Ozon – quand David, 18 ans, fait sa conquête.

«Un garçon avec quelque chose de corrosif»

Mais David – «un scorpion», selon Ozon ; «un garçon avec quelque chose de corrosif», d’après Benjamin Voisin qui interprète ce rôle – met bientôt un terme à sa relation avec Alex. < J’aime le changement, lui dit-il. Je commençais à m’ennuyer à cause de toi. Je ne veux appartenir à personne. > Mais «David aime encore Alex», estime Félix Lefebvre, qui est Alex. Et c’est en allant (probablement) renouer sa relation avec Alex que David meurt dans un accident de moto. < Il n’avait plus qu’une pensée en tête : aller retrouver Alex >, pense Voisin.

Parce que David lui a fait promettre que, s’il mourrait, il irait danser sur sa tombe, Alex – anéanti, et se sentant responsable de la mort de David, qu’il continue d’aimer d’un amour fou – se fait arrêter par la police alors que, écoutant «Sailing», chanson de Rod Steward, il danse dans le cimetière où est enterré son amant.

Dans la perspective de son procès pour profanation de tombe, mais aussi dans le but de «retrouver David», dit-il, Alex commence à écrire le récit de sa relation amoureuse. Et cette écriture va lui permettre de se remettre à vivre. Et de trouver sa vocation : devenir écrivain. Verdict du juge, auquel a été transmis ce récit (sans doute romancé) d’Alex : 140 jours de travaux dits «d’intérêt général» (en l’occurrence, nettoyer la plage du Tréport). Il faut dire que le juge a cru comprendre qu’Alex et David, rivaux, convoitaient la même fille…

LE RÉALISATEUR ET SCÉNARISTE : François Ozon, né en 1967 à Paris, diplômé en 1994 de la Femis, école parisienne de cinéma, a réalisé à ce jour une vingtaine de longs métrages. Il a obtenu en particulier le grand prix du jury de la Berlinale pour «Grâce à Dieu» (2019). Son film «Dans la maison» (2012) a décroché de multiples récompenses, notamment le Prix de la Fédération internationale de la presse cinématographique au Festival de Toronto.

POUR EN SAVOIR PLUS : https://www.unifrance.org/film/49381/ete-85

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A2S, Paris / septembre 2020 / page 9

FILM. «Nana et les filles du bord de mer»

Réalisation et scénario : Patricia Bardon. Directeur de la photo : Pascal Caubère. Montage : Patricia Bardon et Pascal Caubère. Musique : Arno. Principaux acteurs : Sofia Manousha, Grégoire Isvarine, Héloïse Roth, Guilhem Valayé, Laure Millet, Jean-Michel Doliger, Philippe Sturbelle, Fabien Kachev, Marie Fonteijn et Arnaud Rincy. Durée : 1h18.

«Sexy et décalée» selon sa maison de production, cette jolie comédie sentimentale, pleine de charme et d’une douce légèreté, est fort bien réalisée, montée, photographiée et interprétée.
Le film, au rythme faussement nonchalant, bénéficie d’un beau travail de composition musicale du chanteur belge Arno, qui, à la toute fin de «Nana et les filles du bord de mer», interprète, comme de juste, «Les filles du bord de mer» (1965) du chanteur et auteur-compositeur belge Adamo.

C’est au Crotoy, charmant village sur les bords de la baie de Somme où elle a longtemps vécu et qu’elle filme amoureusement, que la cinéaste Patricia Bardon a tourné le film, ainsi d’ailleurs que deux de ses films précédents.
Traitant plus particulièrement de la fragilité du couple à l’époque actuelle, ainsi que des rencontres amoureuses sur Internet, «Nana et les filles du bord de mer» met en scène une bande d’amis, «de 18 à 70 ans».

Toutefois, le film est centré principalement sur une jeune femme, Nana, qui, parce que Mathieu, son amant depuis trois ans, lui annonce qu’il vient de tomber amoureux d’une autre, se met en quête d’un nouveau compagnon sur un site de rencontres.

< Tu dragues sous mon nez ! >, lui lance-t-elle.

Parallèlement, la grande sœur, lesbienne, de Nana, Anne, séduit Marie, la compagne de Damien, que Marie quitte pour aller vivre chez Anne et qui, triste et désemparé comme Nana, va essayer de conquérir cette dernière, qu’il connaît depuis l’enfance et dont il est amoureux en secret depuis longtemps.

Sous un pseudonyme, Damien entre en contact avec Nana sur le site de rencontres. Mais sans grand résultat. Pour faire avancer les choses, Anne et Marie ont l’idée de faire absorber des somnifères à leur insu par Nana et Damien qu’elles mettent ensuite dans le même lit après les avoir proprement dénudés, afin de leur faire croire qu’ils viennent de vivre une nuit d’amour. À leur réveil, cependant, Nana et Damien comprennent vite qu’ils ont été les victimes d’une manigance d’Anne et de Marie – ce qui ne les empêche pas d’ailleurs, sur le moment, de ne pas résister au désir de faire l’amour… Mais leur romance n’ira guère plus loin.

Mathieu, quant à lui, aimerait bien revenir vivre avec Nana dans le logement qu’ils louaient et dont elle l’a chassé. Mais Nana continue de le rejeter, lui reprochant son infidélité : < Tu dragues sous mon nez ! >, lui lance-t-elle. Sur un coup de tête, elle finit par laisser ce logement à Mathieu. Et s’en va vivre chez sa sœur Anne.

Et c’est là que, prenant du recul par rapport à sa vie sentimentale bien compliquée, Nana va trouver une forme de paix intérieure. La fin du film est ouverte : qui Nana va-t-elle choisir, Damien ou Mathieu ? Suspens… Toutefois, il est également permis de penser que Nana n’ira ni vers Mathieu, décidément trop volage, ni vers Damien, qui, d’après elle, «ne vaut pas mieux». Probablement, à la fin du film, Nana a mûri. En quelque sorte.

LA RÉALISATRICE, SCÉNARISTE ET PRODUCTRICE : Patricia Bardon a fait des études de lettres modernes, d’art dramatique (au Cours Florent) et de cinéma (à la Fémis). Elle a réalisé antérieurement une petite dizaine de courts ou moyens métrages et un long métrage, «L’Homme imaginé» (1990).

POUR EN SAVOIR PLUS : https://www.unifrance.org/film/48771/nana-et-les-filles-du-bord-de-mer

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